Lors d’une intervention à l’événement de La Tribune, « Une époque formidable » au théâtre des Célestins le lundi 12 octobre 2020, le Président du Conseil Scientifique du Covid 19, Jean François Delfraissy, abordait le sujet : « Pandémie Covid 19 : une épreuve politique, démocratique, éthique. »
La question que nous nous sommes posée : en quoi la gestion de cette crise fait-elle écho aux problèmes managériaux dans votre propre organisation ? Afin d’alimenter notre analyse, nous nous focaliserons sur les trois entités sur lesquelles étaient centré le discours de J.F Delfraissy, à savoir : le Gouvernement, le Conseil Scientifique et les Médias.
Les différents enjeux
Ces trois maillons, bien qu’appartenant à la même chaine, ne poursuivent pas les mêmes objectifs. Cela se comprend d’autant plus par le fait qu’ils n’ont pas la même finalité : le Conseil Scientifique se doit de produire des conseils sur lesquels le Gouvernement s’appuie pour produire des décisions que les Médias transmettent et/ou critique sous forme d’informations à la population.
Le rapprochement avec la vie de votre organisation professionnelle est clair : cette dernière met également en relation différents acteurs dont les enjeux et objectifs peuvent diverger plus ou moins fortement. Les individus mettent leur maximum en œuvre pour les atteindre : en somme, ils font ce qu’ils font parce ce qu’ils ont une bonne raison de le faire, même si on ne le perçoit pas du premier coup d’oeil. La conséquence possible est que ces enjeux, ne prenant absolument pas le même chemin, soient à l’origine de conflits, de lutte ou encore d’actions contre-productives.
La temporalité
J.F Delfraissy nous apporte la remarque suivante : la Science a besoin de temps pour arriver à des résultats fiables (des trimestres, des années). Les Médias eux, se doivent d’être rapides (des heures, des jours). Le Gouvernement quant à lui, s’inscrit davantage dans une temporalité intermédiaire (des semaines, des mois). Les enjeux de chacun ne sont donc pas réalisables en même temps. Or nous venons de voir que chaque entité fera tout ce qui est en son pouvoir pour les atteindre… Une forme de lutte de pouvoir est donc inévitable.
Prenons l’exemple d’un service d’expédition dans une entreprise. Son enjeu est d’envoyer les produits au client en respectant les délais convenus. Mais au sein de la même entreprise, on trouve le service production qui a lui pour enjeu de fournir des produits de qualité conforme aux spécifications. Cet enjeu nécessite parfois plus de temps que l’échéance laissée par le client. Ces services ont donc des enjeux différents qui entrent en lutte à partir du moment où ils ne sont pas réalisables en même temps. Les conséquences au quotidien pour l’entreprise apparaissent sous formes de négociations, de conflits, d’éclats de voix etc.
Dans le cas de la crise sanitaire, ces derniers mois ont également démontré l’effet de l’écart temporel sur les enjeux : hypothèses de départ non vérifiées faites sur le virus ; divergences dans les doctrines proposées par la communauté scientifique ; les critiques, y compris du milieu scientifique, faites face aux mesures prises à court terme par le Gouvernement, etc.
Les jeux de pouvoir
Encore un autre élément important à prendre en compte dans l’organisation réelle, c.à.d. dans les relations entre les acteurs qui se jouent au sein de la structure : comme le Gouvernement se doit de minimiser les conséquences négatives de la crise sanitaire, il se retrouve dépendant du Conseil Scientifique qui possède le monopole officiel d’expertise en matière de santé. Même si le rôle de ces médecins et chercheurs est de conseiller et non de décider, nous percevons sans peine le rapport de pouvoir qui se joue entre ces deux structures.
Afin d’effectuer l’analogie avec ce qui se passe dans vos organisations, prenons un exemple. Le Directeur de la production a un problème avec une machine. Il fait appel à Fred de la maintenance, seule personne disponible du service. Fred examine la machine et estime qu’il faudra un jour pour la réparer ce qui ennuie bien le Directeur de production qui verra sa chaine de production ralentie. Ici, Fred possède un pouvoir d’expertise sur le Directeur puisque le Directeur n’a pas lui-même les compétences techniques pour remettre en cause son diagnostic. Ainsi, se déroule sans cesse entre individus, strates hiérarchiques et différents services, des rapports de pouvoir qui creusent encore l’écart entre structure formelle (le monde tel qu’on le désire, avec ses organigrammes, procédures, …) et organisation réelle (le monde tel qu’il est vraiment).
La confiance
A cette notion de dépendance entre acteurs s’ajoute aussi l’idée d’une certaine forme de concurrence. Prenons l’illustration d’un Manager intermédiaire qui ne saurait où donner de la tête entre la réalité opérationnelle qu’il perçoit du terrain et la vision stratégique donnée par sa Direction. La concurrence entre ces deux représentations entrainera sans doute une crise de confiance pour le Manager envers sa hiérarchie.
Cette question s’est beaucoup posée pendant la période du confinement et se pose encore aujourd’hui avec le flux immense d’informations parfois contradictoires sur le virus. Entre « fake news », hypothèses non vérifiées et divergences dans la communauté scientifique, le tout relayé par les réseaux sociaux ou médias ; la question se pose pour chacun de savoir qui croire et donc comment agir.
En conclusion, de nombreux éléments impactent les relations en entreprise entre les différents acteurs et explique l’écart entre « structure formelle » et « organisation réelle ». Nous remarquons que les mêmes problématiques managériales existent dans toutes les organisations, indépendamment de leur taille, et ceci, Michel Crozier l’a décrit bien avant nous …
Et du coup, comment manager dans ces circonstances?
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